lundi 24 septembre 2012

C'EST NOTRE COMPLAISANCE ENVERS LE SYSTEME QUI LUI PERMET DE SE PERPETUER


La mondialisation, menée par l'idéologie libérale, que nous connaissons aujourd'hui, a pour conséquence d'enrichir quelques-uns, d'appauvrir la majorité, tout en mettant à mal la vie sur la planète, tant matériellement que spirituellement. Seul le profit compte, et tout qui osera se démarquer de ce leitmotiv est le plus souvent désapprouvé. 

La commercialisation à tout crin, portée à un niveau mondial, en est arrivée à déteindre sur tous nos comportements et cela à tous les niveaux de la société. Au point même que le travail social, l'engagement politique, l'éducation, la culture, par exemples, finissent tous par faire appel à des techniques de marketing, dans leurs méthodes de travail, et tout le monde semble trouver cela "normal", ou du moins acceptable. La crise actuelle n'a pas encore jeté de réel trouble dans de tels raisonnements, même si l'on peut y percevoir les premières faiblesses, forçant les mentalités à évoluer.

Les volontés politiques de changement restent encore confinées à réformer les moyens de faire fonctionner le système, elles ne modifient pas le système lui-même, trop imprégnées qu'elles sont par la logique de celui-ci. Quels que soient les dirigeants politiques, ils poursuivent tous, à peu de chose près le même objectif : faire tourner la machine en poursuivant la même logique pourtant caduque. Et le fonctionnement démocratique s'apparente la plupart du temps à une mascarade qui empêche de laisser voir les bases inadéquates sur lesquelles est fondé le système capitaliste.

La plupart des représentants de l'élite intellectuelle ou dirigeante de la société (sauf exceptions) : cadres, professions libérales, personnages politiques, artistes, ...., voire parfois certains enseignants, sont persuadés du bien fondé et de la justesse du fait d'intégrer les principes et valeurs commerciaux à leur travail, et s'investissent dès lors professionnellement pour aller plus avant dans cette direction. Ils interprètent toutes les dérives du système comme des accidents ou exceptions. Et cet effet est d'autant plus pervers que cette aliénation s'accompagne le plus souvent d'un esprit critique qui fait croire à une pseudo-objectivité du regard sur la réalité. Cet état d'esprit aide à participer activement au système, tout en croyant le combattre ou y échapper.

Du côté de l'opposition, les critiques émises envers la sphère politique au pouvoir, tant de droite que de gauche (les politiciens de gauche pratiquant une politique de droite légèrement modérée) montrent en fait l'incapacité, chez ceux qui les expriment, de voir en eux-mêmes les travers qu'ils fustigent chez leurs représentants, ou à l'inverse de voir la ressemblance entre les représentants et eux-mêmes. Car faute d'être sortis eux-mêmes des modes de fonctionnement qu'ils dénoncent, leurs actions ne font que permettre au système de s'adapter à une opposition qui lui est interne, sans réellement mener un changement de fond.

Nourrir de la colère et s'opposer au système ne fait, en effet, probablement pas partie de la solution. Et à ce titre, certaines, voire beaucoup d'actions de lutte altermondialiste, telles qu'on les connaît, ne sont pas forcément toujours en adéquation avec le problème posé. On y met beaucoup de temps et d'énergie pour parvenir finalement à peu de résultats.

La population, dans son ensemble, est conditionnée à obéir inconsciemment aux règles du système, et d'y participer, en perpétuant sa construction, toujours plus avant, vers toujours plus de croissance, de profits, tout en acceptant en contrepartie de bénéficier de quelques retombées de ces profits, et en ignorant volontairement ou non, les « dommages colatéraux » que cela engendre, à savoir : les injustices, la misère, la destruction de l'environnement; et cela, à l'échelle mondiale.

Nous obéissons tous, à titre individuel, à des ordres non explicites. Ils sont pourtant bel et bien véhiculés, mais non-dits. Et nous nous en imprégnons via l'éducation, les médias et le système politique. Il est pratiquement impossible d'y échapper.

Donc, d'un côté, les critiques adressées au système sont capables de le faire évoluer tout en le consolidant, sans le remettre véritablement en question. Et de l'autre, chaque membre de la société adopte une attitude consentante à condition de recevoir des compensations suffisantes sur le plan de la reconnaissance, de la sécurité matérielle, ou encore de l'accès à certains agréments. Et ces compensations auront l'effet d'endormir tout sentiment rebelle. Cette adhésion concerne principalement les classes moyennes qui composent la population majoritaire en Occident. Elle est plus implicite que volontaire, permise par le non-dit, le conditionnement, l'automatisme, l'habitude. Et en cela chacun participe, sans en avoir l'intention, par obéissance aveugle, à une mécanique dont il ne perçoit que la partie positive du fonctionnement.

Et comme nous ne sommes pas tous égaux devant l'éducation, on peut oberver que ceux qui passent le plus de temps en milieux scolaire et universitaire, seront le moins à même de remettre en question ces conditionnements, au point que nombre d'entre eux se considèrent supérieurs à ceux qui en ont été moins marqués, sous une forme que Alain Accardo nomme : "racisme de l'intelligence".

Et quand il nous arrive de vanter les travers du libéralisme : nous ne sommes ni tout à fait menteurs, ni tout à fait victimes d'endoctrinement. Disons que tout ça nous arrange bien. Il s'agit d'une forme de 'complaisance' envers le système, qui consiste à lui obéir objectivement en se donnant subjectivement des raisons socialement honorables de le faire, ou de ne pas s'en apercevoir, sans qu'on puisse pour autant parler d'hypocrisie, puisque on est le premier à vouloir croire aux bonnes raisons qu'on se donne.

C'est donc parce que chacun adhère au système dans la pratique, sans vraiment en être conscient que celui-ci se maintient de manière solide et durable. Ce n'est pas vraiment volontaire, mais il n'y a pas de réelle résistance pour autant. Pour remettre en cause le système il est donc nécessaire d'aller au-delà d'une critique externe (à un niveau politique et économique). En se limitant à une critique externe on risque bien plus de soutenir ce que l'on cherche à voir disparaître.

C'est plutôt en soi qu'il faut chercher. Car le système maintient l'humain dans des comportements adolescents, où "l'avoir" prévaut sur "l'être" et "le faire", et où le rapport de force et la compétition, sont les principaux modes de relation.

Si la richesse est tant convoitée, ce n'est pas tant par cupidité que par recherche de statut, de reconnaissance, de pouvoir ou encore de sécurité. Et la recherche du profit, qui n'est pas une valeur éducative avouée, demeure toutefois le moteur de la course à la réussite, et reste un des fondements de la société occidentale.

Il s'avère impossible de trouver des solutions valables si le problème n'est pas posé correctement. Nous ne pourrons opérer des changements efficaces dans la société, tant que nous prendrons comme référence objective notre regard subjectif sur celle-ci et sur nous-mêmes. Faute de réelles prises de conscience, nous persisterons à changer les apparences tout en persévérant à soutenir le fond.

Pour poser correctement le problème et y trouver de réelles solutions, nous devons développer nos capacités à nous libérer des lunettes qui nous aveuglent, face à la réalité.

Et la difficulté de nous en libérer vient du fait que nous avons intériorisé, intégré, assimilé la logique du système, au point qu'elle fait partie de nous-mêmes. Notre mode de fonctionnement individuel, notre mode de pensée, sont en parfaite adéquation avec cette logique, ce qui nous rend invisible le fond même du problème. Et même quand nous dénonçons les normes de fonctionnement du système à un niveau global, nous continuons, à un niveau individuel, à les garder comme références. Notre structure psychique se construit à partir de ces normes. Il est donc impossible de changer les normes à l'extérieur de nous, tant qu'elles restent intégrées à l'intérieur de nous. Car c'est cette intégration qui permet une adhésion subjective (donc inconsciente) au système, sous forme de comportements automatiques, d'inclinations spontanées, de valeurs personnelles apprises. De la sorte, nous parviendrons toujours à justifier cette logique par des arguments biens fournis, issus eux-même de notre identification au mode de pensée dominant.

Tant qu'on ne discerne pas cette complaisance dont nous faisons preuve, tant que nous ne découvrons pas les concessions que nous avons faites à notre propre intégrité pour garder les satisfactions que nous offrent le système; nous ne pourrons pas nous donner les moyens de retourner aux valeurs liées à la conscience, au coeur et à la rationalité, en remplacement des pseudo-valeurs basées sur le principe de plaisir.

Il s'agit de faire renaître l'humain en nous. Car derrière la liberté de "faire ce qui nous plaît", se cache un emprisonnement de la pensée, de la conscience, et de toutes nos valeurs morales : ce qui rend presque infaillible notre obéissance au système.

Les changements dans la société ne pourront se passer de changements dans les moeurs. Et ces changements-là ne peuvent s'opérer au départ, qu'à un niveau individuel et ne pourront être imposés de l'extérieur. Ces changements ne seront pas de l'ordre de l'ascèse, mais d'un arrêt de notre complaisance envers le système.

Si l'on veut changer le système, changer le monde, on ne pourra pas faire l'épargne de se changer soi-même.

Si l'on comprend que le système nous manipule, et donc que le succès de son action sur nous est lié à son mode de fonctionnement sournois (dont nous n'avons pas conscience), il apparaît alors que pour s'en libérer, il faudra mettre en lumière chacun de ses effets sur nous. Car une manipulation devenue visible n'opère plus. Cela ne se fera pas sans effort, mais le jeu en vaut la chandelle. Il s'agit d'un travail volontaire au quotidien, sans cela toute lutte politique, toute recherche de changement à un niveau global, ne pourra aboutir.

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