dimanche 2 septembre 2012

Essais médicaux dans les pays en voie de développement


Chaque jour, nous apprenons qu’un laboratoire pharmaceutique a opéré des essais de médicaments sur des populations de pays en voie de développement, ce qui est plus facile, moins risqué et plus lucratif que dans les pays riches.

Mais depuis quelque temps, ces profiteurs de la misère humaine ont plus de difficulté à passer à travers les mailles du filet qui se resserrent, grâce aux associations de défense des droits de l'homme qui se mobilisent contre les géants pharmaceutiques qui exploitent des populations pauvres et ignorantes comme “cobayes” pour leurs recherches, souvent inhumaines et la plupart du temps inutiles.

Nous avons récemment signalé des “opérations” sur 6 000 enfants africains et 15 000 enfants argentins, mais ils ne représentent que la petite partie visible de l’iceberg.


Actuellement, 1 500 séries d'essais sont conduites en Inde sur près de 150 000 sujets et les décès de patients testés ont augmenté. Toutefois, on reconnait difficilement le lien direct avec les essais cliniques et, l'an dernier, quatre cas seulement ont été dédommagés.

Mais les scandales se renouvellent. Dernièrement, des accusations se sont ainsi portées sur l'hôpital de la ville de Bhopal, victime d'une catastrophe industrielle meurtrière causée par un gaz toxique en 1984.

“L'hôpital devait mener des recherches sur les effets de l'isocyanate de méthyle, produit à l'origine du désastre”, rapporte la revue médicaleMims.

Au lieu de se concentrer sur ces enjeux, l'hôpital est vite devenu le siège de tests de médicaments. Les condamnations récentes de douze médecins, dans l'État du Madhya Pradesh, ouvrent de nouveau le dossier des controverses en matière d'essais médicamenteux en Inde. Une amende de 5 000 roupies (72 euros) a été infligée aux médecins pour ne pas avoir fourni de détails concernant une série de tests conduits à l'hôpital public de la ville d'Indore.

Les effets du Tadalafil, un médicament contre l'hypertension artérielle, commercialisé par le laboratoire Eli Lilly sous le nom de Cialis® pour traiter des dysfonctionnements sexuels, auraient été étudiés auprès des patients de l'unité psychiatrique, y compris des enfants. Si les médecins invoquent des clauses de confidentialité, le dr Anand Rai, l'activiste qui a alerté sur la situation, dénonce “des peines ridicules”. Et l'affaire souligne de réelles inquiétudes sur le déroulement des tests de médicaments en Inde.

À l'hôpital d'Indore, les violations auraient été nombreuses par le passé. D'après Mims, “aucun des patients n'a été rémunéré pour les tests, les détails fournis sur les fiches sont flous” et “les fortes doses administrées comportent des risques pour la santé”. Anand Rai évalue à 3 300 le nombre des “cobayes” d'Indore depuis quatre ans, dont 1 833 mineurs.

“Les tests sont une source alléchante de revenus”, explique Chandra M. Gulhati, rédacteur de MIMS qui s'est procuré des copies de contrats illégaux à Indore. “Les médecins recrutés utilisent le nom de l'hôpital, mais avec leur adresse et leur compte en banque. C'est une fraude !”

Pour Anand Rai, les droits des patients sont bafoués : “J'ai vu des gens se faire tester sans en avoir aucune idée. Ils sont illettrés et parlent un dialecte local. C'est un crime de pratiquer des essais sans leur consentement.” Dans le cas du Tadalafil, médicament dont les tests sont en cause par le tribunal, 9 sujets sont des femmes ainsi qu'un mineur de 17 ans. Et, fait rare, deux médecins ont été sanctionnés par le Bureau national du contrôle des médicaments (DCGI, Drug Controller General of India).

Les controverses pourraient aussi faire chuter ce marché. “L'Inde fait face à une baisse des tests pratiqués en raison de la lourdeur des approbations nécessaires, mais aussi des accusations au manquement éthique”, signale le quotidien économique Mint.

Les États-Unis relèvent que 2 % des tests de médicaments dans le monde ont été pratiqués en Inde en 2011. C'est loin des 15 % qui étaient visés, selon une étude de la Chambre du commerce et de l'industrie de l'Inde. Réalisée en 2009, elle évaluait le marché national à 300 millions de dollars, avec une croissance de 30 % par an.

Mais, face aux pressions, le Bureau national du contrôle des médicaments étudie un projet de compensations obligatoires en faveur des victimes de tests de médicaments. Dans l'immédiat, la proposition ne fait pas l'unanimité, ce qui n’étonne personne.

Sylvie SIMON

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